at world's end ∙ nader.

Nuit noire d'encre, illuminée par une lune ronde et scintillante. Tu gardes tes yeux posés sur elle, haute dans le ciel, te laissant aveugler par sa lumière. Elle fait danser des reflets argentés dans l'eau, qui s'étend loin dans l'horizon. À cette heure, il n'y a personne dans les environs ; il faudra encore quelques heures pour que les premiers ouvriers arrivent à leur tâche. D'ici là, tu étais tranquille, avec le son de l'océan clapotant contre les quais et ta bouteille entre les doigts. Une nuit de quiétude à terre comme tu les aimais, où tu pouvais laisser tes pensées vagabonder, construisant tes rêves comme des villes à l'intérieur de ta tête et contre la surface de l'eau. Dans ces nuits-là, tout ce que tu voulais te semblait si accessible, juste au bout de tes doigts ; et vos arrêts à Salvation te donnaient toujours le regain de motivation dont tu avais besoin après des semaines difficiles en mer.

Assise sur le bord du quai, tes jambes se balancent dans le vide au-dessus de l'eau. Tu entends des bruits de pas, proche de toi, et tu soulèves les yeux pour voir une silhouette marcher en ta direction. Quelque chose de familier, dans cette silhouette, et tu la guettes. Quand elle franchit un rayon de lune, tu reconnais le visage avec un sourire qui n'est pas le moindrement feint ou faux. Tu bondis sur tes pieds aussitôt, ton sourire s'étirant sur tes traits. « I'll be damned. » Tu relâches, ton visage dissimulé sous ton grand chapeau. « I would have thought one of us would be dead by now. » C'est alors que tu relèves le menton, afin que Nader puisse voir ton visage. Des années, que tu n'as pas croisé sa route ; pas depuis que ton capitaine avait ordonné que sa main soit coupée. « What's a good-looking guy like you doing all alone at the docks at this hour ? » Tu le taquines. Si tu avais eu une pièce toute les fois où on t'avait servi une variante de cette question, tu serais riche. Ton humeur, allégée par le pied à terre, le rhum, et le visage de Nader.